• La ronde de nulle part

L'intimité

L’expérience de l’art est liée à l’expérience de la vie. L’une s’inspire de l’autre et vis et versa. L’experiance de chaque individu dépend de la notion qu’il a de son propre espace, de son intimité.
La notion de l’intimité est comme une spirale s’écartant d’un point central en perpétuel décentrement. C’est l’idée d’une frontière fragile toujours en mouvement. Dans le quotidien elle se manifeste à travers divers délimitation : les parois dressées d’un lieu de vie, les cloisons d’une chambre, les meubles, les tiroirs, les vêtements, la peau... Au delà elle s’étend dans l’immatérialité de l’espace mental. Son étendue est alors fondamentalement liée à des dimensions psychologiques et à des codes culturels. Ces codes forment l’idée d’un territoire personnel invisible qui nous suivent partout. Ainsi se manifeste l’espace intime/privé à travers des signes les plus curieux; une serviette étendue sur une plage, un tissu, une tente, un paravent. Ces structures fragiles et dispararates délimitent symboliquement les territoires de l’intimité.  
Tout au long de la vie néanmoins, cet espace vulnérable se trouve régulièrement remis en cause ou contrarié. Perturbé dans les dortoirs en commun, réduit à un quasi-rien quand il nous arrive de coucher à ciel ouvert volontairement ou pas; ou encore suspendu dans les hôpitaux, les prisons, les casernes.

Ainsi mon travail propose une succession de réflexions sur les espaces que nous pratiquons. Il essaye de questionner justement ce qui fonde toute forme d’intimité. Si l’espace de l’intimité est un espace insaisissable toujours en mouvement, le travail plastique (souvent dans les installations) se situe aussi entre un va et vient, entre présence et absence ou entre proche et lointain. Aussi insaissable l’une que l’autre, l’expérience de l’intimié est liée à l’expérience artistique. L’art en tant que tel est l’expression de quelques pensées intimes qui tout en s’exposant tend à s’isoler dans son propre monde. En questionant l’espace intime, je cherche à questionner  la notion d’art. Le choix de mes matériauxx  reflète toutes ces réflexions : une structure portable, pliable, un dessin mural, une pièce sonore...  

Les lettres personnelles font aussi parties de ces choses quasi immaterielles qui nous sont très intimes. Le territoire d’une feuille de papier, une carte postale contenant une pensée, un récit de voyage, un évènement important, un fait anodin, etc. Dans cette logique, les lettres personnelles présentent une multitude de petits espaces privés, de moments sans importance, un fluide constant hors-lieu. Trop vagues pour les sondages, trop banals pour l’Histoire. Ecrire à quelqu’un est en quelque sorte une prolongation de son espace intime, au delà de la barrière mentale et physique. C’est aussi un peu une manière “d’immortaliser” une histoire banale, d’élever l’ordinaire à un degré de singularité digne d’attention. Préserver un morceau de vie sur une feuille blanche ou presser une fleur entre deux feuilles de papier. Saisir l’intimité d’un moment particulier. Essayer de la définir par les évènements qui l’entourent. ....pour donner une sensation de ce que peut être l’intimité, il faut avoir essayé d’intégrer le sentiment intime de l’intimité de l’autre, d’autres personnes. Une expression artistique n’est pas forcément une expression individuelle, mais peut être aussi l’atmosphère d’une présence invisible, d’une multiplicité de choses et d’individus...